La bénédiction des cloches

La bénédiction des cloches est un événement important dans la vie d’une paroisse. En effet, dans les temps anciens, la population est essentiellement rurale et dispersée. Les cloches sont alors un instrument de communication reliant au bourg les hameaux éparpillés et soudant ainsi la communauté. Cette cérémonie rassemble toute la population villageoise. Sa citation dans les registres paroissiaux nous apporte des détails concrets et précieux sur la vie, la hiérarchie locale et, pour la bénédiction de la cloche de la paroisse de Saint-Séglin, sur notre histoire familiale.

Les cloches : un instrument de communication essentiel

Pendant des siècles, les cloches ont joué un rôle important dans la vie des villages. Elles furent un instrument de communication essentiel, reliant au bourg les hameaux éparpillés et soudant ainsi la communauté.

Très codifiées, les sonneries des cloches constituaient un langage facilement reconnaissable par les habitants. Ils étaient par ce moyen parfaitement informés des événements de la vie du village.

En effet, les cloches avaient des usages variés, tant liturgiques que civils :

Saint-Séglin – Eglise et calvaire
  • Elles annonçaient les différentes cérémonies (baptêmes, mariages et funérailles), offices et fêtes.
  • Elles rythmaient la journée par la sonnerie de l’angélus: L’angélus sonnait trois fois par jour. Le matin, le midi et soir, dans toutes les paroisses et églises du royaume. Cette sonnerie devait s’accompagner d’une prière à Marie. Mais pour les paysans, elle marquait surtout le début, l’heure du déjeuner et la fin de la journée.
  • Elles alertaient également les populations en cas de catastrophe, d’incendie ou d’invasion. Ainsi, en cas de péril, on sonnait le tocsin.
  • Elles étaient censées éloigner la foudre et la grêle grâce à leurs sonneries. En effet, les paysans redoutaient les orages qui dévastaient les récoltes en quelques minutes. Dans les temps anciens, les mauvaises récoltes apportaient souvent misère et famine.
  • Elles permettaient aussi de prédire le temps. Entendre les cloches d’un village voisin permettait de savoir d’où venait le vent et de prédire si la pluie arrivait.

Preuve de son importance, avant d’être installée, la cloche était bénie lors d’une cérémonie religieuse rassemblant toute la communauté villageoise. La bénédiction des cloches ressemble à un baptême avec parrain, marraine et autres témoins (souvent des notables). Au même titre que les baptêmes des nouveaux nés, cet événement est enregistré sur le registre paroissial. Cette citation est un classique des mentions insolites retrouvées dans les registres paroissiaux.

 Qu’est-ce qu’une mention insolite dans les archives paroissiales ?

En complément des actes inhérents à sa fonction (actes de baptême, mariages et sépultures), il est fréquent que le desservant de la paroisse – généralement le curé – inscrive dans les registres paroissiaux des remarques ou des observations sur les évènements de la vie du village. Ces mentions insolites abordent des sujets nombreux (vie religieuse, phénomènes naturels et météorologiques, malheurs du temps, faits divers locaux, etc…). Généralement, elles apportent des détails concrets et précieux sur la vie et la hiérarchie locale.

Une bénédiction de la cloche de l’église de Saint-Séglin

Par ailleurs, la bénédiction des cloches bien que classique prend une tout autre importance lorsqu’elle mentionne la présence de nos ancêtres. C’est le cas de la mention insolite retrouvée dans le registre paroissial de Saint-Séglin pour l’année 1731 (source disponible en ligne).

La structure de base de ce type de note est toujours la même et la citation retrouvée ne déroge pas à la règle. On retrouve la date de la bénédiction, une description de la cloche, les noms du parrain et de la marraine et la mention des notables présents.

Documents originaux
Saint-Séglin – BMS 1731 (vue 6 sur 9) – AD 35
Saint-Séglin – BMS 1731 (vue 6 sur 9) – AD35
Transcription de la citation

« Le seizième jour d’aout 1731, la bénédiction de notre grosse cloche pesant 192 (livres) a été faite par moi soussigné recteur de Saint-Séglin, et a été nommée Françoise par haut et puissant seigneur Paul Esprit de LA BOUDONNAYE fils de feu messire Louis Gabriel chevalier seigneur comte de Blossac seigneur de la Sauvagère président à mortier du parlement de Bretagne, et dame Françoise Charlotte FERRET, mère du parrain, représentés par Monsieur GORY sieur de Trévion sénéchal de la Sauvagère et par demoiselle Julienne JUSTEL demoiselle de la Touche. »

Signatures :
Julienne JUSTEL, Jacques GORY, Louis René LE GALL du TERTRE au BAULT, Guillaume RICHARD (recteur de Mernel), Jean RESNAYS (recteur de Maure), Julien Pierre BARRE (prêtre), M FONTAINE (procureur fiscal de la Sauvagère), Jean CHEVREL (greffier de la Sauvagère), Jean RENAULT (recteur de Saint-Séglin).

Une citation qui complète notre compréhension sur la vie locale et sur notre histoire familiale

Enfin, la citation retrouvée complète notre compréhension sur l’organisation de la vie locale et sur notre histoire familiale.

Des éléments de compréhension sur l’organisation de la vie locale

Ainsi, le choix des parrain/marraine et des témoins soulignent la prééminence de la seigneurie de la Sauvagère dans l’administration de la vie locale. Sous l’Ancien Régime, la seigneurie assure l’encadrement économique et judiciaire des populations. Le possesseur d’une seigneurie porte le titre de « seigneur ». Il peut être un individu ou une personne morale (lorsque la seigneurie est détenue par une institution religieuse).

En 1731, le seigneur de la Sauvagère est Paul Esprit de LA BOURDONNAYE. Mais son pouvoir s’exerce par divers intermédiaires. Les plus importants sont le sénéchal (le représentant du seigneur), le procureur fiscal pour la vie économique, le greffier pour la vie judiciaire de la seigneurie et enfin le fermier. Le fermier est un personnage important des campagnes de l’Ancien Régime. Il prend à ferme les terres des seigneurs puis les morcelle pour les sous-louer. Beaucoup de nobles ayant quitté leur château, le fermier gère à leur place le domaine et reçoit le droit de percevoir la dîme et les autres redevances, moyennant une rente annuelle à leur verser. S’il devient fermier général, il habite même le château. Il peut ainsi affermer seigneuries, prieurés, moulins.

Comme nous pouvons le constater, tous ces intermédiaires sont témoins de la cérémonie et ils signent le registre paroissial :

  • Jacques GORY, sénéchal de la Sauvagère
  • Louis LE GALL du TERTRE au BAULT (N°512), fermier général de la Sauvagère et fils de Julienne JUSTEL
  • M. FONTAINE, procureur fiscal de la Sauvagère
  • Jean CHEVREL, greffier de la Sauvagère

Les autres témoins représentent le corps religieux de la paroisse de Saint-Séglin et de ses environs :

  • Jean RENAULT, recteur de Saint-Séglin
  • Guillaume RICHARD, recteur de Mernel
  • Jean RESNAYS, recteur de Maure
  • Julien Pierre BARRE, prêtre
Des détails précieux qui complètent notre histoire familiale

Par ailleurs, de précieux détails complètent notre histoire familiale.

Premièrement, Julienne JUSTEL (N°1025) est qualifiée de dame de la Touche. Cela nous apprend qu’elle était propriétaire de cette terre noble située en Bruc-sur-Aff. A sa mort, cette propriété sera vendue à Jacques GORY.

Deuxièmement, Julienne JUSTEL (N°1025) représente Julienne FERRET la marraine de la cloche.

Ce détail permet de mettre en lumière la durée des liens entretenus entre les familles LE GALL du TERTRE et de LA BOURDONNAYE, une puissante famille de la noblesse bretonne. En effet, Julienne FERRET de TYMEUR est la mère de Paul Esprit de LA BOURDONNAYE et l’épouse de Louis Gabriel de LA BOURDONNAYE.

Par ailleurs, en 1697, Claude LE GONIDEC, épouse de Jacques Renaud de LA BOURDONNAYE, est la marraine de Louis René LE GALL du TERTRE.

Armes des Familles de LA BOURDONNAYE et LE GONIDEC

Enfin, plus tard, vers 1750, Louis René LE GALL du TERTRE adressera une requête amicale et respectueuse à Louis François de LA BOURDONNAYE, intendant de Rouen, afin de devenir sénéchal de la seigneurie de la Lambardais en Maure-de-Bretagne.